Que fait le gouvernement ?
Directeur d’une agence immobilière indépendante depuis plus de 15 ans, avec 3 salariés, 5 commerciaux et 2 alternants, je souhaite vous alerter sur la situation réelle et le sombre devenir du marché de l’immobilier et du cataclysme économique que provoque l’inaction du gouvernement.
En effet, les informations diffusées via la presse s’appuient sur des chiffres qui ne traduisent pas la spirale de l’effondrement du marché, depuis juillet 2023 et les conséquences qu’elle entraine à court et moyen terme.
Les observateurs et commentateurs s’appuient sur des comparatifs à un an sans tenir compte de l’embrasement auquel nous devons faire face depuis le 3ème trimestre 2023.
Faut-il attendre que les dégâts soient irréparables pour agir ?
La politique menée actuellement sur ce marché traduit une volonté d’épuration visant les différents acteurs de ce marché.
En tant que Chef d’entreprise je suis confronté à la nécessité de prévoir et anticiper. Pour cela, il faut s’appuyer sur des données prenant en compte la tendance à court terme.
C’est ce constat qui m’amène à solliciter votre attention sur la gravité du moment.
S’agissant des logements neufs, toutes les études menées pour le compte du gouvernement et des institutionnels de la profession s’accordent à dire que le besoin en logements nouveaux est de 500 000 par an pour les 10 prochaines années, notamment dans les grandes métropoles qui souffrent d’une carence gravissime en logement locatif.
Entre décembre 2022 et décembre 2023, le nombre de permis de construire a chuté de plus de 25% (127 300 en moins) et si on prend les chiffres seulement du dernier semestre 2023, la chute sera encore plus vertigineuse.
Plus grave encore est la suppression de la Loi Pinel qui permettait la vente de 50 à 70 000 logements neufs.
Dans le même temps, le nombre de transactions annuelles dans l’ancien, a chuté à 900 000 affichant une régression de 30 % sur 12 mois à fin septembre 2023 ; chiffre que l’on peut quasi doubler pour le dernier semestre 2023 comme le dénoncent nombreuses agences immobilières où l’activité a cessé totalement dans des villes pourtant fortement plébiscitées en début 2023.
La régression sur les 12 prochains mois amène à un pire constat basé sur la prospective issue du nombre de prêts accordés en 2023. (source BDF).
En 2022, 235 000 prêts à l’habitats avaient été octroyés. Sur la période de novembre 2022 à novembre 2023, ce n’est plus que 153 000 soit une baisse de 33 %. Ce niveau correspond à celui de 2009 où le marché représentait 600 000 transactions !!! Pire, la production de Mai à Juillet 2023 par rapport à la même période de 2022 a chuté de 51,5 % et le nombre de prêts de 50,5 %. Toujours selon la Banque de France, la production et le nombre de prêts à l’habitat avaient déjà baissé de 40% à fin Avril 2023 par rapport à l’année précédente. Chiffre qui est par ailleurs avancé par certains organismes pour les prévisions de 2024. Et malheureusement, ceux qui trinquent dans tout cela, ce sont les jeunes et/ou primo accédants dont les dossiers ne sont pas prioritaires et à qui les banques (ou plutôt le HCSF) demandent un apport quasi impossible à apporter.
Nous sommes entrés dans une crise économique sans précédent dans l’immobilier faute d’avoir pris en compte l’effondrement brutal des 3èmes et 4èmes trimestres 2023.
La fédération des promoteurs annonce une prévision de licenciements de 300 000 personnes d’ici 2025. C’est 1/3 des emplois du bâtiment qui va disparaitre dans les 2 prochaines années.
696 faillites d’entreprises de construction et 111 promoteurs entre mai 2022 et mai 2023. (+35 %)
10 000 agents commerciaux immobilier indépendants ont mis fin à leur activité en 2023.
657 agences immobilières ont fermé ( + 104 %).
Les notaires, pour la plus grande partie ont très fortement réduit leurs effectifs administratifs.
Et le bilan du 4ème trimestre 2023 sera plus alarmant encore car l’activité s’est quasi arrêtée.
Certes la montée des taux d’intérêts a contribué à ce choc économique du secteur du bâtiment.
L’annonce de l’arrêt du dispositif PINEL y a participé et va l’aggraver encore.
Faut-il attendre un an pour constater la faillite de ce secteur vital à l’économie française et à la force vive que constituent les PME-PMI du bâtiment?
Faut-il des centaines de milliers d’emploi perdus pour enfin prendre des mesures alors que l’on peut déjà prévoir cette catastrophe, pour prendre des mesures aptes à stopper ce tsunami pourtant prévisible dès maintenant?
Quel calcul fait le gouvernement en matière de finances publiques quand on sait que la perte engendrée par une baisse de 300 000 à 500 000 transactions dans l’ancien par an représente la perte dans les caisses du gouvernement d’environ 5 Milliards d’euros qui représentent les 70 % de taxes de frais de mutation.
Même remarque pour le neuf avec une baisse des recettes de 343 millions d’euros pour les mêmes taxes de frais d’acquisition.
Mais aussi la perte de TVA sur 200 000 ventes en moins. (tva sur vente et sur commissions des intermédiaires.
Ou encore la perte des taxes d’aménagements sur les programmes neufs à 950 € en moyenne du m2 (ensemble France) ainsi que les taxes foncières.
Et enfin l’accroissement du déficit causé par la perte des cotisations sociales des employés du bâtiment, du notariat, des agences immobilières.
Après avoir subi la crise sanitaire, la révolte des gilets jaunes, la guerre russo-ukrainienne, le conflit israélo-palestinien, le secteur de l’immobilier devrait accepter l’amputation dû à la suppression des incitations fiscales pour les investissements locatifs, le laminage des avantages liés à la location meublée par un gouvernement qui ne mesure pas les conséquences des nouvelles mesures prises par lui-même.
En compensation de milliards de pertes liée au déclin de l’immobilier, on vote un budget ridicule de 500 millions d’euros pour accroitre les logements sociaux. Cela veut-il dire que désormais les français doivent vivre dans des grands ensembles, renoncer au confort auquel ils aspirent ? Il faut des logements sociaux mais cela ne suffira pas à relancer le secteur car beaucoup de promoteurs ne trouveront pas la rentabilité exigée par les banques dans ce type de construction. De plus, la grande majorité des logements sociaux est allouée en priorité aux gens pauvres, ce qui laisse pour compte une grande partie de la classe moyenne qui galère pour se loger. Classe moyenne qui doit se contenter du nombre de logements locatifs qui ne cesse de décroitre en raison des logements air bnb mais aussi des logements locatifs se retrouvant vide ou à la vente car obligation de les rénover pour les louer ou encore à cause de la chute drastique de logements liés à des incitations fiscales comme ceux de la loi Pinel qui permettaient de loger une partie de la classe moyenne avec un loyer en dessous du marché (et avec un logement aux dernières normes). Cet abandon de la classe moyenne n’est pas nouveau mais encore une fois c’est elle qui finance les budgets de l’état dont les logements sociaux mais qui se retrouve en récompense à l’abandon total (que ce soit pour la location ou l’achat)
Mais que cherche ce gouvernement qui condamne ainsi la majorité de la filière des entreprises du secteur ?
Que veut ce gouvernement qui déplace le marché vers les institutionnels en anéantissant les PME-PMI? Quand on sait que beaucoup de fonds de pension figurent parmi les institutionnels.
Pour qui nous prend t-on en pré annonçant d’une baisse des frais de mutation précédée par une hausse massive de la taxe foncière ? (préconisation de la cours des comptes et conseil des prélèvements obligatoires du 18 Décembre 2023). Est-ce une certaine façon cachée de vouloir faire payer à l’ensemble des propriétaires votre inaction qui a entrainée une chute vertigineuse des fonds liés aux droits de mutation qui servent en partie à financer les budgets régionaux.
Est-ce de cette façon que le nombre de logements sociaux va augmenter en saccageant un pan complet de notre économie et en mettant au plus mal l’ensemble des acteurs de l’immobilier et de la construction ?
Le thème de la retraite revient souvent depuis certains mois et pourtant on se prive d’un des meilleurs moyens d’améliorer la retraite de certains en leur permettant de ne plus avoir à payer de loyer à la retraite en devenant propriétaire et donc de supprimer le poste de charges le plus important chaque mois.
Il existe pourtant des mesures simples pour relancer le secteur et dont certaines ont déjà montré dans le passé leur effet bénéfique.
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- La défiscalisation des intérêts d’emprunt réduisant ainsi l’impact inflationniste de ces derniers
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- Le maintien de dispositifs de défiscalisation qui permet à un très grand nombre de ménages d’accéder à un logement moderne en location.
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- Le maintien voire l’augmentation des avantages du loueur en meublé professionnel (avec bail de 12 mois minimum) qui permet à bon nombre de salariés ou professions libérales d’investir pour leur retraite et de limiter le nombre de logements en location air bnb.
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- Des incitations plus fortes pour la rénovation et l’isolation des logements
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- Augmenter le plafond de déficit foncier actuellement limité à 10700 euros
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- Définir un quota minimum de studios et T2 dans les constructions neuves de plus de 40 logements.
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- Un assouplissement des conditions d’accès au PTZ et un renforment de la Maprimrénov.
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- Une obligation de formation à l’estimation d’un logement par les agents immobiliers et agents commerciaux dont ces derniers ont tendance à participer à l’inflation des prix par leur méconnaissance de cette mission principale.
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- Mettre fin également à la mise en ligne des données DVF qui sont un frein dans l’estimation au prix juste du moment car les données sont actualisées tous les 6 mois et qu’elles ne comportent pas l’indication de l’état du logement, de l’état d’occupation (si libre ou loué) et d’autres facteurs intervenant dans l’estimation d’un logement.
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- Rétablir un ministère individuel du logement